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Quelques idées reçues (et fausses) sur CHARLES II de Navarre

 

1) Jeanne II de Navarre, mère de Charles II, ne pouvait hériter de la couronne de France à cause de la Loi Salique.
FAUX. Au début du XIVème siècle, les femmes n'étaient nullement exclues de la succession royale en France. Déjà, dans la plupart des autres royaumes européens, les femmes avaient accédé à la royauté, comme en Angleterre, Ecosse, Aragon, Castille, au Portugal et en Navarre. Simplement en France, la question ne s'était pas posée depuis Hugues Capet, car tous les rois avaient eu des fils. A la mort de Louis X le Hutin (1316), Jeanne était âgée de 5 ans. Elle était soutenue par Eudes de Bourgogne, mais le parti du comte de Poitiers était politiquement plus fort et l'emporta: il accéda à la régence puis à la royauté, sous le nom de Philippe V le Long. Par la suite, la préférence masculine devint la règle, mais on ne connaissait pas encore la loi Salique. Celle-ci, interprétation d'anciens textes carolingiens ou antérieurs, fut réinventée en 1358 précisément pour contrer le risque que représentait Charles II de Navarre pour la famille royale de France. ---> L'héritage de Jeanne II et Charles II

2) Charles II de Navarre, dit "le Mauvais", n'avait aucun droit à la couronne de France.
FAUX: La renonciation de Jeanne II à la couronne de France n'a jamais été formelle. Aux termes du traité du 27 mars 1317, conclu à Paris avec le roi Philippe V, il était prévu que Jeanne ne renonce formellement à ses droits sur la France et la Navarre qu'à 12 ans révolus, soit en 1323. En échange, elle recevrait la Brie et la Champagne. Mais Philippe V mourut en 1322 et son successeur Charles IV ne voulut rien entendre des revendications de Jeanne et de son mari Philippe d'Evreux. Elle ne renonça pas au trône et ne reçut pas non plus la Champagne et la Brie. Une fois Jeanne décédée, en 1349, Charles II revendiquerait avec force son héritage, et en premier lieu la Champagne et la Brie. Ce n'est que parce que les Valois tenaient fermement la couronne de France que Charles II ne put la ceindre, malgré ses efforts. ---> L'héritage de Jeanne II et Charles II

3) Le surnom "le Mauvais" vient des chroniqueurs français suite à son action politique en France, notamment en 1358.
FAUX: Le surnom lui fut attribué en 1534 par un chroniqueur espagnol, Diego Ramirez de Avalos de la Piscina. Celui-ci et sa famille estimaient avoir été spoliés à l'époque de Charles II. Il prétendit que le surnom lui avait été attribué par les Navarrais suite à la répression de la junte de Miluce en 1351, près de Pampelune. ---> les origines du surnom

4) Charles II de Navarre, dit Charles le Mauvais, convoitait la Normandie et s'en est emparé.

FAUX: On le lit ici et là, notamment sur internet. En fait, Charles II était comte d'Evreux de par son père et son grand-père Louis d'Evreux. Mantes et Meulan furent également données à Louis d'Evreux en 1317 par Philippe V. Ses parents possédaient déjà des terres en Cotentin, comme Regnéville et Gavray. Au traité de Mantes (1354), Jean II "le Bon" dut céder de nouvelles terres à Charles II, Pont-Audemer, Beaumont-le-Roger, le Clos du Cotentin et Cherbourg. Charles II en était donc légitimement propriétaire. ---> Charles II à Evreux et dans le Cotentin

5) La vente de Cherbourg aux Anglais par Charles II de Navarre a entraîné la guerre de 1378.
FAUX: Cette assertion reprise par de nombreux historiens (dont Françoise Autrand dans son Charles V) est un raccourci de l'Histoire issu des chroniqueurs français dès le XIVème siècle, en premier lieu Froissart. Dans les faits, Charles V tentait depuis plusieurs années de reprendre la Normandie à Charles II. Les années 1376-1377 virent de nombreuses négociations à ce sujet. Début 1378, il décida de les attaquer, ce qu'il fit début avril 1378. En juin 1378, seules quelques forteresses étaient encore navarraises, parmi lesquelles Cherbourg, où les Navarrais de nombreuses garnisons avaient reflué. Dans l'impasse en Normandie, Charles II fit appel aux Anglais et leur loua Cherbourg pour 3 ans en juin 1378. Les chroniqueurs anglais précisent que les Anglais s'étaient rendus maîtres de la ville et en avaient chassé les Navarrais. La cession de Cherbourg est donc une conséquence de la guerre et non sa cause. ---> L'année 1378

6) Charles II de Navarre a tenté à plusieurs reprises d'empoisonner les rois de France Charles V et Charles VI
SANS DOUTE FAUX: L'accusation d'empoisonnement de Charles V vers 1355 qui l'aurait fait mourir en 1380, 25 ans après, ne tient pas. Le roi était de constitution maladive, ainsi que cela a été maintes fois constaté. Cette accusation est l'interprétation du diagnostic d'un médecin de l'époque. Quant à la tentative d'empoisonnement de Charles VI par Robert de Woodreton - qui aurait agi sur ordre de Charles II - elle permit surtout au roi d'annexer les biens du roi de Navarre, et elle semble tenir de la manigance.

7) Charles II est mort des suites de relations coupables avec une maîtresse.
A PRIORI FAUX: Charles II était malade depuis le début de l'année 1386, comme en témoignent des achats auprès des apothicaires (les archives de Navarre conservent les actes correspondants). En octobre et décembre 1386 on mentionna clairement sa maladie. Il fut mal en point à partir de la mi-décembre 1386 et mourut le 1er janvier 1387. Ces rumeurs de luxure ont été colportées par ses ennemis de la cour de France, qui étaient nombreux. ---> Le décès de Charles II

8) Charles II est mort brûlé vif.
Il a plu aux chroniqueurs français, parmi lesquels Froissart et le Religieux de Saint-Denis, de colporter cette légende qui présentait la mort de Charles II comme un juste châtiment divin. Cela ne correspond pas à la description des derniers jours de Charles II présente dans une lettre de l'évêque de Dax adressée à Blanche de Navarre après son décès. Ce point restera à jamais dans la légende de Charles II. ---> Le décès de Charles II

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La biographie de Charles II de Navarre est disponible à l'achat (2015, 530 pages, 21x15 cm, nombreux arbres généalogiques, portraits, schémas explicatifs, cartes géographiques et illustrations), 32 € TTC.


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